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 » JE DOIS ABSOLUMENT SORTIR DU MARCHE ET ME METTRE EN CASH »

Publié le 17 Janvier 2019

Vous envisagez le market timing ? L’analyse de Mike Smith, Directeur Consultant (Russell Investments)

Ces dernières semaines, combien d’entre vous se sont posés la question suivante : « Est-ce qu’il faut sortir des marchés dans ce contexte incertain » ? Cette interrogation a peut-être même pris la forme d’une affirmation (sous l’emprise de la panique ?) : « Je dois absolument sortir du marché et me mettre en cash ».

Nous avons observé une recrudescence de ce sentiment, directement lié à la hausse de la volatilité des marchés à l’automne dernier.

Les investisseurs anxieux ont l’œil rivé sur les fonds en euros offrant une garantie en capital et se disent dans ce cas qu’un rendement de 1,5% semble préférable à une correction de marché.

Les investisseurs ont-ils intérêt à abandonner leurs allocations de long-terme en faveur du fonds en euros, certes sans risque, mais avec un potentiel de performance limité ? Il n’a jamais été facile de faire du « market timing » – mais la situation est-elle différente aujourd’hui ?

Mettons un instant de côté les aspects émotionnels et appuyons-nous sur les chiffres. Si l’on observe les périodes durant lesquelles les investisseurs ont le plus perdu d’argent cela permettrait aux investisseurs d’avoir une meilleure réflexion afin de mesurer l’impact de capituler ou non.

 

A prendre en compte avant tout arbitrage vers les actifs sans risque

Avant d’envisager un repositionnement sur le fonds en euros, les investisseurs doivent se poser les questions suivantes :

  • A quelle fréquence les marchés ont-ils généré des performances négatives – et quelle en a été la durée ?
  • Quel est mon degré de confiance dans le signal de vente, et quelle sera ma réaction en cas d’erreur de jugement ?

Il est vrai que les marchés de capitaux ont ponctuellement généré des pertes pour les investisseurs. Plus l’horizon d’investissement est court, plus cela est fréquent.

Si l’on s’intéresse aux 50 dernières années, les portefeuilles diversifiés ont généré des performances négatives durant environ un tiers des mois. Un mois sur trois dans le rouge correspond à une fréquence assez élevée. Pour les investisseurs avec un horizon d’investissement extrêmement court, un actif sans risque (fonds en euros, fonds monétaires, livrets bancaires) représente donc une option viable.

Si cet horizon d’investissement passe à un an, les portefeuilles diversifiés enregistrent des résultats négatifs dans 15% des cas. Ce qui peut représenter un risque toujours trop élevé pour les investisseurs avec un horizon court. Cependant, au fur et à mesure que l’horizon se rallonge, la fréquence des résultats négatifs se réduit de manière significative, comme le montre le graphique ci-dessous.

Sur une période d’un an, un portefeuille composé à 50% d’actions génère des résultats positifs dans 86% des cas ; ce chiffre bondit à 95% puis à 100% sur des horizons de trois et cinq ans respectivement. Au cours des 50 dernières années, nous avons observé qu’il était très rare de voir des performances négatives au-delà de 12 mois. Essayer de trouver systématiquement les phases de repli parait un exercice complexe.

En réponse à l’argument « bien sûr que la fenêtre est étroite, mais il s’agit clairement d’un signal de vente », revenons sur les signaux historiques qui ont représenté des alertes explicites.

 

Signal de market timing

  • Cas A : Faillite de Lehman Brothers en septembre 2008

Avec le recul, cet évènement ressemble bien à un signal de vente. Mais l’était-il réellement ?

Pour les investisseurs d’un portefeuille indiciel hypothétique 50% actions, comme ci-dessus, qui avaient anticipé la faillite de Lehman et seraient sortis des marchés le 31 août 2008, leur « timing » aurait permis d’éviter une perte de -4,2% au cours des 12 mois suivants (à fin août 2009).

Les investisseurs qui ont subi la faillite et ont décidé de sortir du marché le 30 septembre 2008 sont passés à côté d’un gain de 4,4% au cours des 12 mois qui ont suivi (à fin septembre 2009).

Oui, le marché des actions a connu une forte correction durant cette période, mais les investisseurs qui sont restés exposés ont profité du rebond de 2009.

Ainsi, en ce qui concerne la faillite de Lehman Brothers, il n’existe qu’un très court laps de temps durant lequel les investisseurs auraient été gagnants en sortant d’un portefeuille indiciel hypothétique 50% actions.

La prochaine étape pour les investisseurs qui sont sortis du marché est la suivante : Quand revenir sereinement ? Nous ouvrons ici une nouvelle boite de Pandore – et d’émotions. Certains investisseurs ne sont d’ailleurs jamais revenus après 2008.

  • Cas B : La courbe des taux inversée

Un signal que l’on observe plus fréquemment qu’une Crise Financière mondiale est l’inversion de la courbe des taux – lorsque le rendement des bons du Trésor à court terme est supérieur à celui de la courbe des taux américains à 10 ans.

Ce signal a été observé cinq fois au cours des 50 dernières années et dans chaque cas, une récession – en règle générale accompagnée d’une forte correction sur les marchés actions – a suivi. La difficulté est que ces récessions se sont produites dans un délai de six 6 à 24 mois après la première inversion de la courbe – et que ces périodes offrent souvent des performances positives dont il ne faut pas passer à côté.

L’inversion de la courbe des taux n’est donc pas un signal immédiat, malgré sa propension à alerter sur un risque de récession. En réalité, les résultats historiques suggèrent que l’inversion de la courbe des taux ne représente pas un signal d’alerte très probant.

En moyenne, les périodes qui ont suivi ces inversions ont généré des performances positives. Sur des périodes supérieures à un an, nous constatons que les portefeuilles à faible risque (peu d’actions) génèrent des résultats supérieurs aux portefeuilles plus risqués (poids plus important d’actions). Ces résultats sont sans doute liés à l’effet post-inversion favorable aux obligations : les taux d’intérêt sont abaissés en réaction au ralentissement de l’activité économique et les marchés actions sont en repli, suite à cette même décélération. Quoi qu’il en soit, les portefeuilles indiciels hypothétiques semblent, en moyenne, afficher des résultats positifs après une inversion de la courbe des taux.

La faillite de Lehman Brothers et les scénarios d’inversion de courbe, deux signaux forts à la vente, montrent à quel point le « timing » d’un arbitrage vers des actifs sans risque autour de certains évènements ou conditions de marché peut être difficile. En effet, les configurations de marché ou les événements qui peuvent alerter les investisseurs et les inciter à sortir du marché sont plus opaques qu’il n’y paraît.

 

Conclusion

La récente hausse de la volatilité sur les marchés semble avoir suscité des interrogations autour d’un retrait du marché en faveur d’instruments monétaires. Or pour la plupart des investisseurs, faire du “market timing” est un exercice périlleux et les résultats sont rarement au rendez-vous.

Si les investisseurs passent outre notre recommandation et insistent, face à la perception d’un risque croissant, une possibilité serait de réduire temporairement leur exposition au marché. Réduire l’allocation aux actions de 10 à 20% amortirait la baisse en cas de repli du marché, mais permettrait à l’investisseur de participer à la hausse si les marchés rebondissent rapidement ou ne baissent pas du tout.

Un dernier conseil que nous adressons aux investisseurs qui envisagent un retrait est de documenter les raisons d’une sortie du marché ainsi que les facteurs qui les inciteraient à y revenir. Souvent, ces décisions sont davantage guidées par les émotions que par une vision de long terme. Il est donc très utile de disposer d’un plan écrit, car celui-ci peut doper les chances de succès ou limiter les conséquences d’une mauvaise décision.

 

 

BOURSE : INVESTISSEZ!

Les marchés n’en finissent pas de baisser au point que, si lon nous permet de reprendre une boutade de Warren Buffet:

« quand je vois le cours des valeurs, je me sens comme un enfant dans un magasin de friandises ».

Certaines valeurs étaient chères, elles ne le sont plus, notamment les cycliques, allègrement massacrées par des algorithmes quantitatifs sans cerveau, et les spéculateurs à la baisse.

Voyons d’abord les causes supposées de cette déprime de Noël : la principale est que la récession menacerait. On passera en revue les principaux arguments des Cassandre de l’économie pour constater que pris un à un, aucun n’est suffisant ; pris tous ensemble, ils sont incohérents.

Nous verrons ensuite où en est le marché Français, spécialement le CAC 40.

On proposera enfin quelques pistes d’achats susceptibles de convenir à un investisseur DE LONG TERME (l’horizon patrimonial !).

 

I LA RÉCESSION TOMBÉE DU CIEL [1]

Quels sont donc les facteurs susceptibles d’inquiéter les marchés ? Reprenons les airs à la mode.

  • Aplatissement de la courbe des taux US
  • La guerre commerciale
  • Le problème italien
  • Le Brexit
  • La hausse des taux et les retraits de liquidité (FED, voire BCE)
  • Les gilets jaunes? Trump ?

Première chanson: aplatissement de la courbe des taux US

Il y a quelques jours : la « courbe des taux américains s’aplatit, or, (le chœur des journalistes) dans le passé, cela a été un signe annonciateur de récession pour les trimestres à venir ». L’histoire se répète ! Imparable ! Sauf évidemment si on se pose la question de savoir pourquoi cette courbe s’est « aplatie » juste après que M. Jerome Powell ait indiqué que « le taux de la FED est désormais au voisinage du taux neutre ».

Décryptons : le taux « neutre » (ou « naturel » pour les économistes) est celui pour lequel la politique monétaire serait neutre – ni expansive, ni restrictive. On considère que cela correspond à un taux monétaire voisin du taux de croissance (potentiel, à long terme) de l’économie[2], soit, dans le cas des Etats-Unis, un peu moins de 2% (la croissance observée au 3ème trimestre étant de 3,4%, dont 0,8% dû à la relance budgétaire et fiscale)[3]. Le taux directeur de la FED étant aujourd’hui (22 décembre)

compris entre 2,25 et 2,50%, et les calculs de croissance potentielle étant très approximatifs, on peut en effet considérer qu’on est au voisinage du taux neutre. Résultat : à la suite de l’annonce de M. POWELL, les marchés ont compris que les hausses de taux attendues ne se feront pas, ou beaucoup moins qu’anticipé. Tous ceux qui s’étaient couverts en prévision de 3 ou 4 hausses supplémentaires de taux, tous ceux qui étaient vendeurs  d’obligations (ce qui a pour effet de faire baisser leur prix et donc de faire monter les taux longs), rectifient leur position, d’où la baisse  des taux longs. La crise ouverte par M. TRUMP entre la Maison blanche et la FED (voir plus bas) n’a pu qu’accentuer cette tendance.

Deuxième chanson : la guerre commerciale

Trump est un habitué de l’escalade twittesque, c’est une méthode de négociation avec ses adversaires (le reste du Monde) et en même temps une stratégie de communication avec son électorat. Son seul objectif est politique et ses menaces de guerre commerciale avec la Chine étaient surtout une façon de se positionner avant les « mid-terms », d’où la détente qui a suivi. Nul doute qu’il recommencera dans 1 an, en vue de sa réélection. Pour autant, il reste un businessman et réfléchira à deux fois avant de déclencher une vraie guerre commerciale qui serait ruineuse pour son pays, et donc les effets négatifs anticipés se font déjà sentir, sur les marchés américains notamment. En tant que facteur d’incertitude, ce facteur est important pour les marchés ; il n’est en aucun cas pour l’instant un facteur objectif de récession[4]

Troisième chanson : lItalie

La Commission de Bruxelles ayant validé les propositions de Rome, le « bras de fer » n’aura pas lieu. L’Italie s’est engagée sur un déficit 2019 de 2,04% et sur une réduction de son déficit structurel de 0,8% à 0%[5]. Les marchés n’ont aucune raison de s’en alarmer, au contraire, même si l’engagement n’est guère crédible.

Quatrième chanson : le Brexit

Deal or no deal ? Personne ne sait si le parlement Britannique validera ou non le projet d’accord entre l’UE et le Gouvernement Britannique. Si le Parlement refusait son accord, on se dirigerait tout droit vers un « Hard Brexit » car la date limite est désormais très proche (29 mars 2019), sauf si le Conseil européen décidait à l’unanimité de ses membres d’accorder aux Britanniques un délai supplémentaire, ce qui est très peu probable. Les plans B sont donc prêts dans toute l’UE au cas où la sortie se ferait sans accord. Ce serait évidemment un coup dur, surtout pour le Royaume-Uni, mais pas un facteur suffisant de récession : selon la Banque d’Angleterre, le coût serait de 8% du PIB sur 5 ans et selon le Trésor Britannique de 9,3% sur… 15 ans. La croissance Britannique étant de l’ordre de 2% par an, on voit que ces prévisions n’impliquent aucune récession véritable pour le Royaume-Uni, sauf peut-être dans la première année : les effets seront davantage structurels et réduiront la croissance potentielle. D’autres pays seront touchés (les Pays-Bas notamment), mais ne connaîtront pas pour autant une récession.

Un problème pourrait venir cependant du marché immobilier, qui est un marché crucial pour la croissance britannique : il pourrait baisser de 30 à 35%, partant de niveaux très élevés. Cela ne paraît toutefois suffisant pour provoquer une récession mondiale…Cinquième chanson : la hausse des taux, les retraits de liquidité et le différend Trump-Powell

Pour la FED, le vrai risque serait que le différend entre son patron, Jerome Powell, et le Président américain, dégénère : M. Trump a, dit-on, envisagé de renvoyer M. Powell, ce qui serait bien entendu extrêmement dangereux et sans précédent (pour le coup, les marchés pourraient paniquer !). Fidèle à sa méthode, le Président rend la FED responsable de la baisse constatée des marchés, après s’être attribué tout le mérite de leur hausse (« Le seul problème de notre économie, c’est la FED »). Cherchant à se dédouaner auprès de son électorat, il accuse la FED de sabotage : les opérations de retrait de liquidités (50 milliards de dollars par an) qui réduisent le bilan de la FED seraient la cause de la baisse des marchés (et de la hausse du Dollar qui aggrave le déficit extérieur).

L’argument pourrait être recevable (après tout, les injections de liquidité ont bel et bien provoqué une hausse relativement artificielle des marchés, elles étaient d’ailleurs faites pour ça, pour éviter une spirale déflationniste due à « l’effet FISHER »[6], mais il convient de noter plusieurs points : les retraits ont commencé sous Monsieur Bernanke, en décembre 2013, et on n’a pas observé de chute des marchés entre cette date et 2018 ; deuxièmement, si ces retraits avaient un effet vraiment restrictif sur la liquidité, les taux monteraient spontanément ; troisièmement, ils sont largement compensés, en Bourse, par les rachats massifs d’actions des sociétés (200 milliards au 3ème trimestre 2018) ; quatrièmement : il se pourrait que Monsieur Powell soit plus compétent en la matière que Monsieur Trump, et surtout plus soucieux du bien public, n’étant tenu par aucune échéance électorale.

La seule réaction de M. Powell a été une hausse des taux directeurs le 20 décembre, sans doute la dernière tant que l’inflation ne s’accélère pas. Or, c’est plutôt l’inverse qu’il faut attendre car la relance budgétaire réalisée commence à s’essouffler et plafonnera en 2019. Par ailleurs, la forte baisse récente des marchés exercera, comme d’habitude, un « effet de richesse négatif » qui ralentira la consommation et la croissance ; ralentissement donc, mais pas au point de provoquer une récession, sauf si la baisse des marchés devait se transformer en krach pour une raison à ce jour inconnue … Le renvoi de M. Powell pourrait en être une, mais on peut présumer que M. Trump n’est pas fou.

Quant à la BCE, elle n’en est pas encore là : M. Draghi a clairement annoncé que la Banque centrale replacerait dans les emprunts venant à échéance (pas de retrait de liquidité) et que les taux directeurs ne monteraient pas avant l’automne (et si la situation de la zone le justifie !). Cela rejoint

l’opinion des marchés de taux, telle qu’elle s’exprime dans les contrats de taux monétaires. Par ailleurs, si la croissance de la Zone ralentit (Italie, Allemagne, France ?), la BCE en tiendra évidemment compte.

La chanson des « Gilets jaunes » ? ou celle de Trump ?

La première nous concerne au premier chef, mais elle ne menace pas (pour l’instant) l’économie mondiale, ni les bourses mondiale. Toutefois, plus généralement, ce qui s’exprime là d’une façon libertaire, souvent excessive et désordonnée, concerne en fait tous les pays développés et pourrait à l’avenir causer de sérieux ennuis au « système » – en fait, cela a déjà commencé avec le Brexit et M. Trump : ce sera le sujet d’une autre lettre.

Enfin, M. Trump : c’est évidemment la menace essentielle. Après avoir boosté les marchés par sa réforme fiscale, il les démoralise par ses attaques contre la FED, le blocage des administrations américaines (le « shutdown ») et sa guerre commerciale. Difficile cependant de prévoir où il posera sa prochaine bombe, la seule certitude étant qu’il fera tout pour assurer sa réélection.

En résumé, beaucoup des craintes exprimées sont excessives ou injustifiées à court terme et certaines sont contradictoires (ralentissement de la croissance et hausses des taux directeurs par exemple). Cela suggère que les marchés ont en fait un peu trop à la baisse et qu’ils sont, au moins partiellement, sous-évalués. D’ailleurs, à l’heure où nous écrivons, Wall Street se redresse de façon spectaculaire, peut-être simplement pour des raisons fiscales (les ventes à perte allègent l’impôt sur les plus-values,…). En revanche les Bourses européennes poursuivent leur baisse.

 

II – Où en sont les marchés ?

Après un bon début d’année, la Bourse de Wall Street connaît aux alentours de Noël son pire résultat depuis dix ans et la crise de 2008, du fait de deux mois de forte baisse. Aux incertitudes évoquées plus haut s’est ajouté le « shutdown » provoqué par M. Trump, ce dernier ayant refusé de valider le budget voté par le Congrès américain, ce qui risque de paralyser l’administration. Depuis le 1er janvier, le Nasdaq baisse de 10 % en un an, et le Dow Jones perd près de 12 %. Le Nikkei, lui, a perdu 11 % depuis le début de l’année. En Europe, le CAC 40 a perdu environ 14 % et l’Euro Stoxx 50 plus de 15 %.

D’une certaine façon, ces corrections sont bienvenues car les marchés – américains notamment – étaient relativement chers. Elles paraissent toutefois excessives puisque aucune récession ne semble s’annoncer…

Si l’on considère les « primes de risque instantanées » du marché pour 2019, elles sont désormais satisfaisantes, voire excessives en Europe : 7,1 % pour le Cac 40 (pour un taux à 10 ans de 0,68 % le 24 décembre), 4,7 % environ sur le Dow Jones (pour un taux de 2,75 %). Même si la prime française est surestimée du fait de taux anormalement bas, elle retrouve des niveaux intéressants pour un investisseur de long terme qui cherche un bon point d’entrée. En outre, les baisses n’ont pas été homogènes : tandis que les valeurs défensives ont résisté – sauf exception, les valeurs cycliques ont largement baissé et deviennent attrayantes ; certaines foncières cotées aussi, voire certaines valeurs bancaires. Plutôt que jouer les indices – ce qui serait concevable pour une stratégie de long terme –, il vaut mieux jouer les cycliques de qualité et d’autres valeurs notoirement décotées.

Dans le cas Français, la mini-relance de la demande qui va s’opérer en réponse aux revendications des « Gilets jaunes » sera favorable au pouvoir d’achat et aux secteurs qui en dépendent, même si le passage à la retenue à la source de l’IR peut freiner quelque peu la consommation. Comme cependant la quasi-totalité des bénéficiaires de la relance ne payent pas l’IR, leur consommation devrait en être stimulée. C’est un facteur supplémentaire en faveur du secteur du commerce notamment.

 

II Quelques pistes dachat

Valeurs « cycliques », décotées et de rendement

Le terme « valeurs cycliques » renvoie à la notion de cycle, notion particulièrement vague puisque les cycles identifiés vont de quelques années à 50 ans ! Par ailleurs, les cycles des 30 dernières années ont été dus à des crises financières variées: c’est plutôt désormais la chute de marchés spéculatifs qui crée le cycle plutôt que l’inverse ! Le serpent se mord la queue… Aussi bien, une façon de tourner la difficulté est de repérer les valeurs particulièrement décotées qui pourraient profiter d’une croissance qui restera solide, sinon galopante, ou d’autres facteurs spécifiques qui agissent par exemple sur les banques. Si l’indice CAC 40 continue sa baisse vers le palier des 4500 points (peu probable, car les vendeurs ont pour l’essentiel capitulé), on pourra même considérer que l’indice lui-même est « décoté » et acheter des trackers en Euro éligibles au PEA.

Par ailleurs, n’oublions pas que le rendement, la recherche de revenus complémentaires, reste un objectif patrimonial : au-delà de la plus-value potentielle toujours incertaine, le taux de rendement est évidemment à considérer. Finalement, les valeurs-types à rechercher sont celles qui associent décote, rendement et cyclicité. Les prévisions de bénéfice sont en l’occurrence un bon indicateur complémentaire.

Exemples de valeurs

Les secteurs cycliques sont ceux qui dépendent directement de la demande et du pouvoir d’achat des consommateurs : secteur de la construction et du BTP, secteur des pétrolières et parapétrolières, télécommunications et bien sûr les secteurs des biens et services de consommation.

Parmi les valeurs cycliques, celles du CAC 40 peuvent être préférées car d’une part elles amplifient souvent les mouvements à la hausse (coefficient bêta élevé), d’autre part, sans être des valeurs défensives, elles ont une capitalisation qui constitue une protection relative. A titre d’exemples, citons Total, Bouygues, Eiffage, Vinci, Peugeot, Renault,…

Si l’on recherche en outre la décote et le rendement, on pourra s’intéresser aux foncières cotées (SIIC). D’une façon générale, le secteur est attrayant puisqu’entre le 1er janvier et le 30 novembre 2018, il a perdu 22,76% contre 13,44% au CAC 40, ce qui ne l’empêche pas de le battre nettement sur des périodes plus longues, avec une volatilité comparable ! Quelques sociétés se distinguent, à commencer par la première d’Europe, Unibail-Rodamco-Westfield. Le rachat en 2017 de la société australienne Westfield spécialisée dans les centres commerciaux a été accueilli fraîchement en France où le secteur du commerce n’est que médiocrement recherché par les investisseurs. C’est oublier que cet achat ouvre les portes des marchés britanniques et américains et que le rendement anticipé du dividende, aux cours de fin décembre, est de l’ordre de 8,9 % ! Le titre URW est en effet passé de la surcote à une décote historique (par rapport à l’actif net par action) de 34%… Il serait dommage de ne pas en profiter, surtout dans une optique de long terme. On pourrait être tenté d’attendre la hausse des taux qui fera baisser le cours (les foncières, fortement endettées, y sont très sensibles), mais la hausse n’est pas pour demain, d’ici là le cours aura monté et on aura perdu un an ou plus de revenu…

On peut y ajouter, comme le conseillait Le Revenu du 23 octobre dernier, l’action Covivio (ex-Foncière des régions), plus légèrement décotée (moins de 10%) mais très diversifiée (à la fois géographiquement dans plusieurs pays d’Europe, et par actif), dont le rendement attendu pour 2019 approche les 6% ; ainsi que la (petite) foncière Inéa qui affiche une lourde décote et des perspectives de rendement sympathiques.

Pour les mois à venir, on n’oubliera pas que les valeurs bancaires (faiblement valorisées en cette fin d’année) seront avantagées par la future hausse des taux dans la Zone Euro – nous n’y sommes pas encore.

En conclusion, il ne manque pas d’opportunités pour un investisseur de long terme qui cherche un bon point d’entrée sur les marchés, les secteurs cycliques ou l’immobilier boursier. Evidemment la situation peut empirer à court terme (Trump, la politique européenne, la nouvelle Présidence de la BCE au 1er novembre 2019…) mais il n’en reste pas moins qu’aux cours de fin d’année, certaines valeurs apparaissent comme « des friandises », pour reprendre l’expression de Warren Buffet !

 

Achevée de rédiger le 30 décembre 2018

 

Jean-Marin SERRE

Professeur de l’Université d’Auvergne
Doyen de l’Ecole Universitaire de Management,
Co-directeur du master Gestion de Patrimoine

 

OPCVM : LES PRONOSTICS DES MEILLEURS GÉRANTS

Dans un contexte boursier caractérisé par un manque de visibilité, nous avons interrogé d’excellents gérants de fonds flexibles pour connaître leurs stratégies.

Contrairement aux espoirs de début d’année, 2018 s’est révélée très difficile pour la quasi-totalité des places financières, qui achèveront ce millésime en repli plus ou moins marqué, à la suite, surtout, d’un dernier trimestre en nette baisse.

Les investisseurs sont dans l’expectative en raison des nombreuses incertitudes en cours (guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ; politique monétaire de la Fed et le Brexit).

Dans ces conditions, quelle stratégie suivre ? Pour y voir plus clair, nous avons interviewé cinq excellents gérants de fonds flexibles. En effet, dans cette catégorie, ils ont toute latitude pour miser sur telle ou telle classe d’actifs et pour procéder à des arbitrages au moment opportun. Ils ont donc une vue panoramique du contexte boursier, et non une vision limitée à un seul pays ou à une seule zone géographique, comme la plupart des gérants actions.

 

Accroissement de la pondération des actions

Nous leur avons posé les trois questions suivantes : quelles opérations avez-vous faites ces dernières semaines ? Quelle est votre allocation d’actifs actuelle ? Qu’anticipez-vous pour la nouvelle année ?

Principal enseignement, ils ont tous récemment accru la pondération des actions afin de profiter des baisses de cours intervenues : + 0,8 point pour Sextant Grand Large, + 4 points pour Cap West Partners, + 7 points pour R-co Valor, + 15 points pour H2O MultiStrategies et + 20 points pour Dorval Convictions PEA.

Dans l’ensemble, ils estiment que les cours actuels constituent des opportunités d’achat, car beaucoup de mauvaises nouvelles sont déjà dans les cours. Si l’économie mondiale ralentissait l’an prochain, ce devrait être dans des proportions limitées, d’autant que le net reflux des cours du pétrole sera très positif pour les économies des pays développés.

La psychologie négative actuelle des investisseurs et l’importance des liquidités en attente d’investissements constituent d’autres facteurs positifs. En fait, tout devrait dépendre de la prime de risque politique, actuellement très élevée. Si elle diminue, la hausse sera au rendez-vous. Or une amélioration a eu lieu du côté de l’Italie. Quant à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, un compromis pourrait être trouvé, car Donald Trump est très sensible à l’évolution de Wall Street.

Finalement, un seul gérant, Julien Lepage, n’est pas prudemment optimiste. La cherté des actions américaines, si l’on raisonne en termes de P/E de Shiller et non de P/E instantané, lui fait craindre une poursuite de la baisse de Wall Street et, donc, par ricochet, des autres Bourses, même si elles sont raisonnablement valorisées.

VERS UN NOUVEL ABUS DE DROIT FISCAL ?

L’article 109 de la loi de finances pour 2019, publiée au JO du 30 décembre 2018, risque de faire parler de lui toute l’année 2019. Il instaure un nouvel article L64 A dans le livre des procédures fiscales comme rédigé ci-dessous, chaque mot ayant son importance :

Afin d’en restituer le véritable caractère et sous réserve de l’application de l’article 205 A du code général des impôts, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

La nouveauté consiste à évoquer un motif principal au lieu d’un motif exclusif.

Cette finesse littérale risque d’élargir le champ d’application de la procédure d’abus de droit, notamment à des opérations patrimoniales classiques de donation avant cession. En l’espèce, la question à se poser est alors de savoir si l’administration considère qu’une transmission qui a un fondement civil a pour motif principal de faire payer moins d’impôts de plus-value et de droits de succession.

Si on prend l’exemple d’une donation en nue-propriété d’un actif immobilier, non cédé avant le décès de l’usufruitier, l’économie fiscale ne porte que sur les droits de succession : le motif principal est-il alors l’organisation de la transmission ou l’économie future de droit de succession qui en est une conséquence ?

Enfin, un changement de régime matrimonial pourrait-il lui aussi entrer dans le spectre de cette nouvelle hydre fiscale si l’une de ces conséquences était d’alléger les droits de donation ou de succession pour les enfants ?

Les abus de droit notifiés actuellement et validés par le comité d’abus de droit concernent majoritairement des cas où le contribuable sait dès le début qu’il a « poussé la ligne » un peu trop loin…

Nous imaginons donc que ce texte reste dans la lignée du comité, c’est-à-dire respecter l’esprit de la loi et ne pas en tirer avantage juste dans un seul sens.

Plusieurs points à retenir à ce stade :

  • Cette nouvelle procédure ne concernera que les actes passés à partir du 1er Janvier 2020
  • Les premières notifications de l’administration seront à partir du 1er Janvier 2021
  • Le conseil constitutionnel pourrait invalider ce texte après une QPC par exemple…

Quoi qu’il en soit, l’année 2019 pourrait être celle de l’ingénierie patrimoniale puisque tous les actes passés avant le 1er janvier seront sous le coup de l’ancienne procédure d’abus de droit sur laquelle nous avons bien plus de recul.