Nos actualités

BOURSE: 2018 EST LA PIRE ANNÉE POUR LES MARCHES DEPUIS DIX ANS

Les actions mondiales ont subi un brusque retournement de tendances cette année, sur fonds de hausse des taux et d’inquiétude pour la croissance mondiale.

En 2017, le vert avait été la tendance à la mode sur les marchés boursiers, avec une poignée seulement d’indices en repli et des performances épatantes pour Wall Street et les marchés émergents. En 2018, la couleur a viré au rouge sur tous les continents. En Europe, le recul dépasse les 10 % pour la plupart des grandes places. Le CAC 40 a baissé de 13%. Francfort a même perdu près de 18 % et l’Euro Stoxx 50 plus de 15 %. Les marchés émergents ont aussi payé un lourd tribut avec un repli de 18 % pour le MSCI EM, après il est vrai un bond de 34 % en 2017. Surtout Wall Street a fini par craquer à son tour …

Le 7 décembre, l’indice S & P 500 est repassé en dessous de son niveau du début de l’année pour afficher au 25 décembre un repli de plus de 12 % par rapport au 1er janvier. C’est sa pire année depuis 2008. Pour relativiser, l’indice avait perdu 38 % cette année-là.

Incertaine et haletante

Au 17 décembre, Charlie Bilello chez Pension Partners a fait le tour des principaux ETF qui répliquent les performances des pays.

Sur 48, seuls deux enregistraient, à cette date, une performance positive : le Qatar et l’Arabie Saoudite. Pire, dix d’entre eux étaient en situation de « bear market », c’est-à-dire qu’ils ont perdu plus de 20 % de leur valeur depuis le début de l’année.
« 2018 restera comme une année de transition vers un futur plus incertain », relate Jean-Jacques Friedman chez Natixis WM.

Alors que Fidelity International, rappelle que « même au prix d’un intense effort de mémoire, difficile de se rappeler une fin d’année aussi incertaine que haletante. Les risques sont pourtant bien identifiés depuis plusieurs mois. Mais l’instabilité actuelle offre chaque semaine de nouveaux rebondissements notamment en Europe, véritable concentré de cette agitation permanente ».

Le meilleur et puis le pire

Pourtant, 2018 restera comme une année de croissance mondiale forte (3,8 %), avec un environnement inflationniste favorable et des profits en forte hausse que ce soit aux Etats-Unis, en Europe, au Japon ou dans les pays émergents.

« 2018 a été une année extraordinaire, caractérisée par le pire et le meilleur », constate Christophe Donay chez Pictet WM. « Le meilleur, avec l’environnement économique le plus favorable depuis 10 ans et en même temps, la pire année en termes de performance sur les différentes classes d’actifs. C’était pourtant en termes micro et macroéconomique difficile de faire mieux ».

Le bilan en fin d’année n’est donc guère flatteur pour les principales classes d’actifs, qui ont presque toutes terminé dans le rouge. « Le cash a battu les actions et les obligations pour la première fois depuis 1992 », constate Bank of America Merrill Lynch, qui note qu’à début décembre, le repli des emprunts d’Etat américain et des obligations d’entreprise de qualité aux Etats-Unis a été la plus importante depuis 1970. La hausse des rendements à court terme aux Etats-Unis (avec un taux à deux ans qui s’est approché des 3 % en novembre, contre 0,5 % courant 2015) a « fait des liquidités une alternative viable à des actifs plus risqués pour les investisseurs en dollars américains », explique Isabelle Mateos y Lago, du BlackRock Investment Institute.

Du rose au noir

Après avoir vu la vie en rose il y a un an, les investisseurs ont aujourd’hui tendance à broyer du noir. Ils semblent déjà jouer l’imminence d’une récession, malgré une croissance économique qui reste forte aux Etats-Unis et même en Europe.

« Les écueils ont été difficiles à éviter », regrette Isabelle Mateos y Lago. « L’incertitude qui plane sur les échanges commerciaux, conjuguée à la hausse des taux d’intérêt, a fortement pesé sur les actions et a annulé l’effet de la forte croissance des bénéfices ». Avec ce constat : « la géopolitique compte », poursuit la cheffe stratège qui s’est dite « surprise par l’ampleur des conséquences géopolitiques sur les marchés ».

Pour 2019, les investisseurs affichent en tout cas une extrême prudence. C’est ce que montre le dernier sondage réalisé par Bank of America Merrill Lynch.

L’allocation sur les actions a en effet atteint un plus bas depuis deux ans, au profit notamment des obligations (qui n’avaient pas attiré autant d’investisseurs depuis le vote du Brexit en juin 2016). Ce qui fait dire à Michael Hartnett, son stratégiste en chef, que les investisseurs « sont proches d’être vendeur à l’extrême ». De quoi laisser espérer un rebond courant 2019, même si pour Morgan Stanley, « alors que 2018 se termine, les facteurs et catalyseurs en présence – résultats, croissance chinoise, politique de la Fed et baisse des PMI – devraient se traduire par un environnement de marchés délicat ». Du moins en début d’année.

L’année avait plutôt bien démarré. L’indice MSCI World gagnait près de 7 % au 26 janvier, avant que les choses se dégradent. Depuis, il a fondu de près de 20%. Cet indice, qui fait la part belle aux actions américaines, aura connu cette année quatre phases de correction supérieure à 5 %. La première fin janvier (-9,07 %), lié au réveil brutal de la volatilité, la seconde en mars (-5,5 %) en raison de la remontée des taux obligataires, la troisième en octobre (-10,20 %) sur des craintes liées à l’impact de la guerre commerciale et enfin en décembre (-13 % au 25 décembre), sur fonds de crainte de récession.

POURQUOI LES FONDS FLEXIBLES NE PROTÈGENT PLUS VOTRE EPARGNE ?

Qu’on les appelle fonds flexibles ou fonds patrimoniaux, ils ont été les chouchous des épargnants ces dix dernières années. Mais c’est bien fini. Carmignac Patrimoine, le plus connu d’entre eux, a reculé de 10% en un an.

Retour sur ces stars déchues de la finance.

Ils ont connu leur heure de gloire, fin 2008, quand les Bourses s’écroulaient, que les banques licenciaient leurs traders et que les particuliers se demandaient s’ils ne devaient pas retirer tout l’argent de leurs comptes.

C’est à cette époque que les plus prestigieux de ces fonds se sont fait un nom. Alors que la plupart des Sicav actions affichaient des baisses qui pouvaient aller jusqu’à 40%, un fonds, Carmignac Patrimoine s’assurait un avenir en étant le seul à réaliser un (très modeste) gain de… 0,12%. Sa recette ? Simple en apparence, mais très difficile à mettre en pratique : savoir être investi sur les actions quand les marchés boursiers sont en hausse et pouvoir se mettre à couvert, en devenant un fonds monétaire, quand le temps se met à l’orage. Pour cela, son gérant doit disposer d’une liberté presque totale d’investissement, contrairement aux fonds normaux, qui sont benchmarkés, c’est-à-dire tenus de suivre un (ou des) indices(s) de référence. « L’objectif de la gestion flexible, résume Alexandre Prat, analyste à Quantalys, spécialiste de la mesure des performances, est de profiter des marchés haussiers et de se protéger des marchés baissiers. »

Est-ce que ces fonds font le job ? Oui, mais…

Car la suite de l’histoire Carmignac fait partie des success-stories de la finance : à partir de 2009, attirés par cette performance hors norme, des milliers de petits épargnants ont souscrit les produits mis au point par Edouard Carmignac. Le groupe, qui était un inconnu dix ans auparavant, est rapidement devenu un géant de la gestion, avec plus de 50 milliards d’euros d’encours. Un succès justifié par les résultats. Un succès qui a aussi attiré les concurrents. Même Amundi, le plus grand (mais pas toujours le plus agile) gestionnaire de France avec 1.100 milliards sous gestion, a fini par s’intéresser au secteur et a sorti son propre bébé, Amundi Patrimoine : c’est dire…

Aujourd’hui, plus de 80 fonds s’affichent « flexibles » ou « patrimoniaux ». Certains ont réussi à attirer des milliards, voire des dizaines de milliards d’épargne. C’est le cas par exemple de M&G Optimal Income (20 milliards), Carmignac Patrimoine (17 milliards) ou Nordea 1 Stable Ret (10 milliards). Au total la catégorie est devenue un poids lourd de la gestion avec plus de 120 milliards d’encours : un tiers de l’encours total des Sicav Actions !

Fonds pris entre deux feux

Jusqu’ici, cet amour des particuliers pour cette catégorie de gestion était parfaitement justifié : les résultats suivaient. Sur 8 ans, par exemple, un fonds flexible comme Sextant Grand large gagne 82% et BFG Global Allocation 52%. On en a mis partout et surtout dans les contrats d’assurance-vie, pour compenser la baisse de rendement des fonds euros. Avec une différence : les fonds flexibles ne sont pas garantis. Alors que le fonds en euros de votre contrat continue d’être garanti. Or, voilà, depuis quelques mois, c’est « patatras » ! Avec la chute conjointe des taux d’intérêt et celle des cours des actions, ces fonds sont pris entre deux feux. S’ils se mettent à couvert, ils risquent de perdre de l’argent. S’ils investissent sur les actions, ils sont assurés d’en perdre. « La diversification peut être un poids quand l’ensemble des actifs génère une performance négative », résume Guilhem Savry, responsable Macro et Allocation Dynamique chez Unigestion AM.

Cela se reflète dans les résultats des fonds : sur un an, seulement trois des 80 flexibles recensés par Quantalys sont dans le vert… Et encore, d’une courte tête : aucune des trois ne dépasse 2,5% sur l’année. Sur le dernier mois, c’est quasiment pareil : cinq dans le vert, 75 dans le rouge, avec des pertes qui peuvent dépasser 3%. Dur, pour des fonds présentés comme sécuritaires…

LES FONDS DIVERSIFIES ONT-ILS ENCORE UNE UTILITÉ ?

Pourquoi n’ont-ils pas amorti la baisse ?

Dans les approches multi-actifs, la diversification sur le long terme a aidé, pendant les vingt dernières années, à générer la même performance que les actions avec un risque deux fois moindre.

Traditionnellement, les gérants de fonds flexibles visent à générer 2/3 de la performance haussière et ne subir que le tiers d’un marché baissier. Un discours répété à l’usure ces dernières années, mais la dispersion des marchés a cette fois rebattu les cartes et l’effet inverse s’est produit. Par exemple, vous obteniez plutôt 2/3 de la baisse et 1/3 de la hausse si vous n’aviez pas les 5 meilleures valeurs du CAC 40.

« Le problème dans cet environnement, comme cela a été le cas en 2015, est que la diversification peut être un poids quand l’ensemble des actifs génère une performance négative » explique Guilhem Savry, gérant du fonds Uni-Global – Cross Asset Navigator et Responsable des Allocations Macro et Dynamique chez Unigestion.

Or, c’est la première fois depuis 2008 que plus de 60 % des classes d’actifs (les obligations, y compris souveraines, les actions des pays développés et émergents, les spreads de crédit, les crédits émergents, les matières premières…) affichent une performance négative sur l’ensemble de l’année. Cette année, la surperformance des actions américaines a ainsi pénalisé les gérants qui n’avaient pas misé sur ce segment.

Ces fonds ont-ils encore une raison d’être ?

A la suite de la consultation publique lancée en 2016 sur la suppression des classifications des fonds, l’AMF avait modifié sa doctrine. La classification « Diversifié » a été supprimée au 31 décembre 2017, sans possibilité de maintien optionnel après cette date, et le terme « prudent » s’est raréfié.

Faut-il pour autant remettre en cause ces fonds diversifiés, notamment ceux identifiés comme étant les plus « prudents » ? « Sincèrement, je me dis qu’ils ne servent à rien ou pas loin, dans cette configuration de marché. Ce qui est d’autant plus frustrant pour nos clients, qui quand ils décident de prendre peu de risque, ne s’attendent pas nécessairement à avoir des performances de ce niveau alors même que leurs portefeuilles plus risqués fonctionnent mieux sur la période » se confie Géraldine Métifeux, fondatrice du cabinet en gestion de patrimoine Alter Égale.

En septembre dernier, la société Fidelity International avait décidé de faire évoluer le process de gestion de son fonds patrimonial. « La gestion patrimoniale d’aujourd’hui doit se réinventer. Dans un environnement de fin de cycle qui se dessine et de cherté des classes d’actifs traditionnelles, de nouvelles sources de performances doivent trouver leur place dans les portefeuilles d’allocation d’actifs » estime Jean-Denis Bachot, Fidelity International en France. Dans ce cadre, Fidelity Patrimoine a accéléré le mouvement initié en 2017 avec l’introduction de stratégies de diversification décorrélées des classes d’actifs traditionnelles, et davantage de flexibilité.

Attention, flexible ne veut pas dire essayer d’éviter les baisses et capter les hausses à court terme. « Ceci est du market timing, exercice le plus souvent vain. La flexibilité doit s’apprécier sur l’ensemble du cycle » précise Didier Bouvignies, Associé-Gérant chez Rothschild & Co AM.

Finalement qu’est-ce qu’un fonds patrimonial ? Un fonds qui ne baisse pas ? Non, car faire 0% pendant 10 ans et ne pas baisser, cela revient à s’appauvrir. Un fonds patrimonial doit donc supporter des choix de gestion qui permettent d’assurer un objectif sur un horizon de placement long. Un fonds patrimonial c’est également choisir les actifs qui ont les meilleures perspectives de rendement sur le long terme.

Pourquoi un fonds diversifié plutôt qu’un fonds pur actions ?

Pour autant, ces fonds diversifiés semblent garder encore beaucoup de crédit auprès des maisons de gestion. « On va vivre des marchés très volatils, en tout cas des marchés incertains dans un cadre de retrait de liquidités, et l’avantage des diversifiés est qu’ils peuvent justement être flexibles » rappellait Chaguir Mandjee, Directeur de la Gestion chez Haas Gestion lors d’une table-ronde organisée par la plateforme Sélection 1818 / Nortia.

Il existe cependant autant de diversifiés que de maisons de gestion. Certaines sociétés comme Carmignac Gestion ont pour particularité une flexibilité extrême et très réactive. D’autres déterminent leur exposition aux actions par rapport aux valorisations comme Amiral Gestionqui fait évoluer son allocation en fonction du PE de Schiller. « On a tous dans nos gènes l’envie d’acheter des actions quand les marchés sont chers et de vendre quand on souffre mais c’est un comportement destructeur de valeur » considère Raphaël Moreau, Gérant actions au sein de la boutique française.

En quoi les fonds diversifiés sont adaptés à l’environnement actuel ?

Les sociétés de gestion misent sur la recorrélation des actifs qui s’opère mais ils considèrent aujourd’hui que le fonds diversifié le plus adapté est « l’équilibré » et non « le prudent ».Les gérants peuvent y mixer leur poche actions avec du cash plutôt que des obligations, avec de meilleures perspectives de performance compte-tenu du pessimisme affiché sur la classe d’actifs.

« La meilleure défense, c’est le cash ! Si vous supportez un peu de risque, vous avez les actions, mais le compartiment obligataire n’est pas intéressant » confirme Stéphane Furet, Directeur Général de Dorval AM.