AVANTAGER UN HÉRITIER PAR RAPPORT AUX AUTRES

S’il n’est pas possible en France de déshériter ses enfants, un parent peut toutefois utiliser des méthodes de contournement de la réserve héréditaire afin d’avantager l’un d’entre eux.

L’assurance-vie et la donation hors part successorale font partie des mécanismes classiques pour avantager un enfant au détriment de ses frères et sœurs, qui recevront une moindre part d’héritage, et peut être même une part inférieure à la réserve qu’ils pourraient attendre.

Nous nous proposons donc d’aborder trois autres techniques qui permettront d’aller encore plus loin dans l’avantage patrimonial donné à un enfant vis à vis de ses frères et sœurs

1. Le présent d’usage

Le présent d’usage représente un cadeau modique offert à l’occasion d’un événement particulier, anniversaire, mariage, réussite à un examen…. Nombreuses sont les occasions qui peuvent se présenter. Ce don manuel doit relever d’un acte unilatéral du donateur. Non rapportable à la succession du donateur, il ne doit pas non plus être déclaré à l’administration fiscale et n’est donc pas imposable.

Le présent d’usage se traduit par un appauvrissement du patrimoine du donateur et l’enrichissement du patrimoine du donataire bénéficiaire (comme une donation). Il doit être représentatif d’une réelle intention libérale de la part du donateur. En effet, il ne doit exister aucune contrepartie à la transmission de cette partie de son patrimoine. Tout comme les donations classiques, les présents d’usages sont irrévocables et soumis à aucun formalisme particulier. Seule la tradition (transmission effective) doit être réalisée pour matérialiser le présent d’usage.

Le présent d’usage peut concerner : le transfert d’une somme d’argent, d’un bien meuble, du remboursement d’une dette de faible valeur….
Le présent d’usage ne peut pas être révoqué pour cause d’ingratitude et ne peut pas faire l’objet d’une action en réduction pour atteinte à la réserve successorale puisque ce présent d’usage n’est pas rapportable à la succession et ne s’impute donc ni sur la réserve héréditaire, ni sur la quotité disponible (sous réserve de son caractère modique).
Le caractère « modique » du présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et selon la fortune du donateur au jour du présent d’usage et non au jour de son décès.

De la même façon, les juges apprécient souverainement la notion de somme modique du présent d’usage, lequel ne relève pas d’un barème strictement établi . La valeur du présent d’usage ne doit pas non plus être disproportionnée par rapport aux revenus et au patrimoine du donateur. La jurisprudence considère que le montant du présent d’usage ne doit pas excéder 2% du patrimoine net, ni 2,5% du revenu annuel du donateur. Dans le cas contraire, le présent d’usage serait requalifié par les juges et par l’Administration fiscale en donation ordinaire taxable et rapportable.

Le présent d’usage est donc un bon moyen pour avantager au fur et à mesure un enfant ou un tiers sans lien familial (et éviter pour ce dernier cas, les 60% de droits dus dans le cadre d’une donation par exemple), car même si les sommes sont modestes ou modiques, leur multiplication dans le temps permet à celui-ci d’obtenir un patrimoine conséquent du fait de la répétition de ceux-ci sur la durée.

Le présent d’usage permet ainsi d’avantager une ou plusieurs personnes, héritière ou non de la succession.
Afin d’avantager un ou plusieurs enfants, il est également possible d’utiliser la donation d’usufruit temporaire afin de lui ou leur garantir des revenus sur une période donnée.

2. La donation d’usufruit temporaire

La donation d’usufruit temporaire est une opération de démembrement de propriété. Le donateur donne le droit d’user et de percevoir les revenus d’un ou plusieurs de ses biens dont il est propriétaire à un ou plusieurs bénéficiaire(s) nommément désignés, pendant une durée déterminée. Le donateur conserve quant à lui la nue-propriété de son bien. Il est conseillé de prévoir une convention de démembrement entre l’usufruit et le nue propriétaire afin de déterminer qui prendra en charges les dépenses liés au bien objet de la donation. A défaut de convention, les dispositions supplétives de volontés du code civil s’appliqueront : l’usufruitier pendra en charge les dépenses usufructuaires et le nu-propriétaire, les grosses réparations limitativement énumérés par l’article 606 du code civil.

Le donataire bénéficiaire de l’usufruit temporaire aura le droit d’utiliser le bien durant toute la durée de la donation de l’usufruit temporaire. Il peut l’habiter s’il s’agit d’un bien immobilier ou en percevoir les revenus si ce bien est loué.
Au terme de la donation temporaire d’usufruit ou en cas du décès de l’usufruitier, le donateur redevient plein-propriétaire, et l’usufruit lui revient sans formalité à effectuer, ni fiscalité.

Rappelons qu’une donation n’entre pas dans le calcul de la réserve et quotité disponible si l’usufruit temporaire est éteint au décès du donateur. Dans le cas de la donation d’un usufruit temporaire arrivée à son terme avant le décès, aucune réunion fictive n’est possible car le bien en pleine propriété se retrouve bel et bien dans le patrimoine du défunt à son décès.
Un bien démembré sort de l’assiette imposable de l’IFI du nu-propriétaire en cas de donation d’un usufruit temporaire. En d’autres termes, c’est l’usufruitier qui supportera l’IFI pour la valeur en pleine propriété du bien démembré.

Exemple : Un parent réalise une donation d’usufruit temporaire à un enfant, détaché fiscalement. Le parent donateur ne sera plus soumis à l’IFI sur la valeur du bien pendant toute la durée de l’usufruit temporaire. De son côté, l’enfant, rarement soumis à l’IFI, ne sera pas non plus imposable à ce titre.
D’un point de vue IR, le parent donateur sort également de son patrimoine les revenus locatifs (revenus fonciers, BIC…) qui seront imposables entre les mains de l’enfant donateur souvent imposé à un taux plus faible que celui-ci de ses parents, voir non imposable (cas des étudiants qui ne travaille pas par exemple).
Dès lors, l’enfant disposera de revenus supplémentaires, pour payer ses études et son train de vie par exemple. Cette source de revenus supplémentaire peut remplacer ou compléter une pension alimentaire. Pour rappel, une pension alimentaire est déductible des revenus du foyer fiscal qui verse la pension (parents) dans la limite d’un forfait annuel de 3 500€ (pension en nature) et 5 888€/an par enfant (pension en espèces). La donation d’usufruit temporaire d’un bien (par exemple : bien immobilier locatif) permet de financer le train de vie d’un enfant étudiant tout en optimisant la fiscalité.
Enfin, la donation d’usufruit temporaire étant limité dans le temps, il est possible d’aller plus loin dans la démarche d’avantager un ou plusieurs enfants en lui accordant la jouissance totale d’un bien au travers du prêt à usage également appelé commodat.

3. Le prêt à usage ou commodat

Le contrat de prêt à usage est un contrat entre deux parties où l’une met à disposition de l’autre partie, un bien pour que celle-ci s’en serve. Le preneur à bail, qui emprunte donc la chose et l’exploite, s’engage à la rendre dans le même état après s’en être servi (article 1875 du Code Civil).
Un commodat ne peut relever d’une intention libérale, car le prêteur n’a aucune volonté de s’appauvrir et il n’est exigé aucune une contrepartie de la part du tiers recevant le bien objet du prêt à usage.
L’avantage de cette technique est que le prêt à usage n’est donc pas soumis au rapport à succession, ni à la réduction pour atteinte à la réserve.

Exemple : Un père met à disposition de l’un de ses fils un appartement, sans contrepartie financière . Le prêt à usage constituant un contrat de service gratuit, conférant seulement à son bénéficiaire un droit à l’usage de la chose prêtée mais n’opérant aucun transfert d’un droit patrimonial à son profit, notamment de propriété sur la chose ou ses fruits et revenus, il n’y a donc aucun appauvrissement du prêteur. Le contrat ne peut être qualifié d’avantage indirect rapportable à la succession le cas échéant. De plus, le prêteur du bien inscrira la valeur de ce bien pour sa pleine propriété dans sa déclaration d’IFI en mentionnant l’existence du commodat, entraînant ainsi une minoration de la valeur dudit bien (abattement).
La législation française permet encore une certaine liberté quant à la disposition de son patrimoine et la répartition de celui-ci entre ses enfants. Il n’est donc pas forcément nécessaire de s’expatrier afin de bénéficier de plus grandes largesses fiscales concernant la transmission de son patrimoine lors de son décès.